La crise sociopolitique qui secoue de plein fouet la Guinée fait réagir Dame Touré Fatoumata Camara, présidente de l’ONG ‘’Initiative Femme de Guinée’’. Cette responsable du RPG Arc-en-ciel, parti au pouvoir depuis 2010 en Guinée, s’est exprimée dans une interview exclusive que Globalguinee.info l’a accordé, sur l’actualité sociopolitique du pays sans tabou. Du débat en cours sur le projet de nouvelle constitution, des manifestations du FNDC, en passant par le report des élections législatives, Dame Touré Fatoumata Camara, brise le silence et se fait voix. Liez plutôt !
Globalguinee.info : En tant que femme politique, comment vous analysez la crise sociopolitique de notre pays, née du projet de nouvelle constitution et de la tenue des élections législatives ?
Fatoumata CAMARA : Aujourd’hui, on a remarqué qu’il y a un peu de sarcasme politique. Pourquoi ? Parce que il y a un groupuscule qui se dit activiste et ils veulent prendre le pays en otage. Et vous avez remarqué que la population ne veut pas s’identifier à ses personnes. Tout simplement parce que les gens se disent qu’ils n’ont pas désigné certaines personnes, donc ils ne veulent pas les suivre pour qu’ils aillent agir à leurs noms. Actuellement, nous avons deux groupes, nous avons la mouvance, nous avons l’opposition. Donc, ces soi-disant activistes ne sont pas reconnus. Raison pour laquelle, à chaque fois qu’ils font des évènements, ce sont des évènements mort-nés. ‘’Si l’opposition se cache derrière le FNDC et arrive à sortir les enfants des autres dans la rue pour pouvoir créer un peu de troubles, nous, en tant que femmes de Guinée, on va essayer de s’indigner par rapport à cette situation’’. Pourquoi s’indigner ? C’est qu’aujourd’hui, les enfants qui sont morts dans la rue, moi étant mère de 4 enfants, je me dis que ca peut être mes enfants. C’est désolant de voir l’opposition guinéenne faire de la politique « une religion ». Ils savent qu’ils n’ont pas la majorité de la population. Ils savent que les femmes de Guinée ne peuvent pas les suivre dans cette intention de trouble. Donc, ils se victimisent, ils laissent les enfants affronter les militaires et nous avons aujourd’hui des militaires qui ne sont armés dans les rues. On se demande exactement qui tire sur qui ?
Votre regard par rapport aux manifestations en cours dans le pays. Manifestations qui ont déjà coûté la vie à 9 guinéens ?
Aujourd’hui on a des morts. Etant une mère, je m’indigne par rapport à cette situation et je rends hommage à ses enfants qui sont morts, je ne vais pas dire banalement, mais qui sont morts inutilement, parce que ce n’est pas une cause. On ne va pas dire qu’un enfant qui a 9 ans, 10 ans se bat pour une cause. Ils ne savent même pas pourquoi ils se battent avec les politiques. Ils ne sont pas informés, ils ne sont pas politiciens. Ils sont juste jetés comme ca à l’abattoir par l’opposition. Et là, je crois qu’il faudrait qu’on ouvre une enquête et que les morts qui sont enregistrés, soient enterrés après autopsie. Qu’on sache réellement qui tire sur qui. On a remarqué que dans les quartiers, dès fois dans les manifestations, il y a 1 mort, mais à la fin il y a 12 morts. Je pense même que nous populations on doit ouvrir les yeux maintenant. Puisque même s’il y a une personne qui fait une crise cardiaque, on l’associe aux morts des marches.
Les femmes du FNDC étaient dans la rue ce mercredi pour réclamer justice pour les nombreuses victimes des dernières manifestations. Quel message avez-vous à leur adresser ?
On a vu que les femmes sont sorties aujourd’hui pour manifester. On nous disait qu’il y aura 7 millions de femmes dans les rues. Mais moi je suis sortie de chez moi à 7 heures, il n’y avait personne dans les rues. C’est pour dire que j’ai vu des femmes partir aux marchés, vaquer à leurs occupations sans se mêler à cette discorde, que l’opposition a voulu organiser au nom du FNDC, qui est un mouvement vide.
(…) La rue n’est pas la solution. Ces femmes du FNDC ont rencontré le Premier ministre. A leur sortie, ce sont elles qui ont dit aux médias, que la rencontre c’était très bien passée et que le Premier ministre est ouvert à leurs propositions et qu’il a tenu compte de leurs revendications. Alors, je me dis qu’elles sont venues en tant que femmes de l’opposition. Et les mêmes femmes, ressortir ce mercredi, c’est comme si elles avaient abandonné la rencontre qu’elles avaient eu avec le PM, qui pouvait continuer si elles le souhaitaient. Revenir encore avec d’autres revendications, revoir le Premier ministre et accepter la consultation. Expliquer au Premier ministre, lui expliquer voilà les points qui ne vont pas bien. Et j’estime qu’autour de la table, ils pouvaient trouver une solution que dans la rue, parce que ça été une sortie ratée.
Les consultations sont elles possible à date, puisque le rapport synthèse de ses consultations a déjà été remis au Président de la République ?
Vous savez le rapport a été déposé, mais la consultation n’est pas clause. Quand elles ont rencontré le Premier ministre, ces consultations n’étaient pas encore ouvertes. Ces femmes peuvent toujours revenir vers le Premier ministre pour une consultation. J’estime qu’autour de la table, on pourra trouver de meilleures solutions que dans la rue.
Il y a eu un communiqué qui a appelé les acteurs politiques au dialogue récemment. Un autre de la communauté internationale a également été publié dans les médias. Qu’en pensez-vous ?
La rue n’est pas la solution. Voilà les meilleures propositions qui sont là. C’est qu’on a l’opinion internationale qui nous regarde. Mais il y a aussi l’opinion nationale. C’est ce que les gens oublient. On pose des doutes sur les consultations. Il faut qu’on accepte de se mettre autour de la table pour qu’on puisse trouver des solutions qui puissent nous aider à faire avancer notre pays. De nos jours, il y a le président Alpha Condé qui est au pouvoir. Il souhaiterait qu’il y ait plus tard qu’un autre guinéen puisse continuer ce qu’il est entrain de faire. Mais comment on va laisser le pays avec des gens qui n’ont pas de projet concret comparable à celui que le président est entrain de faire aujourd’hui (…). On n’est différent. Il faut qu’on accepte nos différences pour qu’on soit autour de la table pour parler « Guinée », pour parler des intérêts de la Guinée pour voir comment on peut s’en sortir.
Les élections législatives n’auront finalement pas lieu cette année. Comment vous trouvez le report de la date du 28 décembre 2019, qui avait pourtant été proposée par le président de la CENI ?
Vous savez tout ce qui est meilleur, c’est ce qu’on va proposer pour la Guinée. Les gens sortent pour un rien dans les rues. Ils insultent le président, ils publient des Fake-news à l’international, même l’opinion internationale va trouver que notre pays n’est pas prêt pour le moment à organiser les élections législatives. Nous devons d’abord penser à la stabilité du pays avant de s’engager dans quoique ce soit. Aujourd’hui notre pays n’est pas apte à organiser des élections, nous ne remplissons pas les conditions pour le faire.
Toutes ces crises ne sont bénéfiques ou favorables à l’économie. Vous, qui êtes dans l’entreprenariat, quels conséquences pourraient engendrer ces crises ?
Moi j’ai une petite entreprise depuis 2009 en Guinée. Mais vous savez quand on crée une terreur, il y en a qui ont peur de venir à leurs lieux de travail. Vous avez les chauffeurs de taxis qui ont peur qu’on ne casse leurs véhicules, cela crée un ralentissement dans le milieu de l’entreprenariat, ça crée un retard. Si vous remarquez, depuis 2010, combien de commerçants sont en faillites par cause de ces manifestations ? Parce que chaque année, ils perdent 10 jours de bénéfice. Et il y a les petits commerçants qui achètent au jour le jour, qui revendent pour pouvoir agrandir leurs chiffres d’affaires. Et ces genres de manifestations qui perturbent les activités, ralentissent leur évolution. On doit d’abord penser à la population avant de penser à des intérêts personnels. Malheureusement, on a une opposition qui ne regarde que son intérêt, qui veut coute que coute, vaille que vaille le pouvoir et n’imagine pas que c’est en créant la peur, la frayeur que tu auras le pouvoir. C’est en créant la confiance entre eux et les citoyens. Aujourd’hui, cette confiance est entrain de partir. La population n’a plus confiance en cette opposition.
Interview réalisée par Alpha Madiou BAH
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